Comme le temps passe vite !Hier,j ái fèté mes soixante-treize ans et constate que je n’ai plus toute l’énergie de ma jeunesse. Mais j’ai de la chance pour un Pygmée, car en général,ceux qui vivent dans la forèt ne dépassent pas la quarantaine. Pour un peu, je pourrais faire figure de demi-dieu pour les membres de mon petit peuple. Mon passé m’est si lointain et si proche que parfois j’en viens à me demander si tout ce qui m’est arrivé est bien réel. J’aime ma vie de vieillard dans cette belle vallée du Rift. C’est un autre monde,un autre univers où la nature est restée vierge, avec ses chants et ses colères. Hier, pendant que mes enfants et mes petits-enfants chantaient de vieilles chansons des siècles passées, les grrodements du Nyiragongo nous ont rapellé combien sa présence avait été importante dans notre vie.. Et ce matin, le paysage des Virunga était si extraordinaire que je me suis retiré au sommet d’une montagne pour écouter la nature et admirer la valse des nuages dans le firmament.
Mais voilà qu’à l’horizon, tout se bouche. Les cendres du volcan s’élèvent assez haut dans le ciel. L’atmosphère est agitée.Pour un temps, nous allons devoir émigrer dans les hauteurs des Mille Collines,dans le parc des Gorilles.Nous monterons jusqu’à 2 000 mètres d’altitude et vivrons au bord d’un de ces petits plans d’eau dont la civilisation n’a pas encore pollué la pureté minérale.
Depuis la tragédie de 1994, j’ai toujours la hantise,lors des déplacements à travers les paysages merveilleux du Rwanda, de découvrir les ossuaires de victimes du génocide.Quelle réalité cruelle que de constater que les squelettes n’ont pas d’ethnie,encore moins de race,. L’homme est parfois pire que la bète : Il crée son propre enfer à la différence de l’animal qui ne tue que par nécessité. Mais seule l’espèce humaine est capable de faire du meurtre un véritable art de vivre.On appelle cela l’art de la guerre.Quel monstre s’est introduit en nous en cette année 1994? Je n’ai jamais trouvé de réponse à cette question.